Une crèche parentale, qu’est-ce que c’est ?
C’est une association qui regroupe parents et professionnel.le.s de la petite-enfance autour du service aux enfants, un lieu hérité des crèches « sauvages » de mai 68 à la Sorbonne.
Pourquoi parentale ? Cela signifie qu’elle est à gestion parentale (elle est gérée par un bureau et un conseil d’administration constitués de parents élus) et parfois, en sus, elle est à participation parentale (dans ce cas, les parents participent également au fonctionnement de la crèche au quotidien).
C’est un lieu qui mise sur la bientraitance, qui veille au bien-être des enfants. Un lieu où l’on sait que leur sécurisation affective est le préalable incontournable à un bon développement dans tous les domaines que le tout-petit explore avec enthousiasme : sensori-moteur, psycho-affectif et cognitif. Un lieu où les notions de collaboration parents-professionnel.le.s, de co-éducation, ont tout leur sens. Les parents sont les employeurs des salariés, le projet éducatif est construit en commun, les taux d’encadrement sont en général bien au-delà des normes minimales. Le fait d’avoir davantage d’adultes auprès des enfants permet de mener à bien de nombreux projets à destination des enfants, allant de la motricité libre au développement de leur lien avec la nature, de l’éducation non-genrée à la recherche sur le terrain. Il s’agit, souvent, de lieux qui recherchent une exemplarité en termes d’éco-citoyenneté (on peut y trouver des espaces de compost, des siestes au grand air, des couches lavables ou une alimentation biologique, locale et de saison).
La crèche parentale est également un lieu de soutien et d’accompagnement à la parentalité, elle se fait ainsi le relais de la politique nationale de soutien à la parentalité qui se structure toujours plus depuis 2018. Elle se reconnaît facteur d’éducation populaire.
Elle est aussi lieu relais de la charte nationale pour l’accueil du jeune enfant. Cette charte, mise en place dès 2021, représente une avancée majeure pour l’ensemble des lieux d’accueil de jeunes enfants en France, intégrant ainsi et pour la première fois la qualité d’accueil du jeune enfant dans un texte législatif.
Un label spécifique a été créé pour identifier les structures ayant des pratiques vertueuses eu égard à la qualité et à l’équilibre des relations parents-professionnel.le.s dans les crèches associatives : le Label Parental de l’ACEPP, association fédérant l’ensemble des crèches associatives en France.
Et c’est, bien évidemment, une association à but non-lucratif, en cohérence avec la notion de service public. Toute association est ainsi entièrement dépendante de ses co-financeurs. Pour une crèche parentale, il s’agit des parents, bien sûr, mais aussi et surtout de la CAF et de sa commune d’implantation. S’y ajoutent, éventuellement, le Conseil Départemental, la Région, etc. Ses tarifs sont le plus souvent règlementés : ils ne dépassent pas ceux d’une crèche municipale, et sont bien en-deçà d’une assistante maternelle ou d’un établissement à but lucratif (crèches ou micro-crèches privées). Au-delà du sens, c’est donc l’engagement citoyen bénévole des parents qui participe à réduire les frais publics tout en assurant une réelle qualité d’accueil pour nos tout-petits.
Qui est Pom Flore et Alexandre ?
L’association, basée à Grenoble, fête donc cette année ses 30 ans d’existence. Elle est composée de 2 crèches de 20 places chacune, partageant les mêmes locaux, portée par les mêmes projets et la même dynamique. Les crèches sont à participation parentale, chaque famille donnant 2 demi-journées par mois pour assurer des permanences auprès des enfants : pendant 4 heures, matin ou après-midi, le parent accompagne un groupe d’enfants dans tous les temps d’éveil, de jeu, les sorties et les repas, au même titre que les professionnel.le.s. Les enfants interagissent ainsi avec de nombreux adultes, chaque parent voit et vit de l’intérieur le projet qu’il participe à construire. Tout tourne autour du tout-petit : du matin au soir, les conditions sont optimisées pour qu’il puisse commencer à découvrir le monde à travers une exploration libre et joyeuse, à son propre rythme, d’un lieu pensé pour lui par ceux qui le connaissent le mieux : ses parents, associés à des professionnel.le.s de la petite enfance choisis pour leur implication dans ce projet.
Les valeurs qui nous rassemblent se sont déclinées, au fil des ans, en projets spécifiques :
- Un lieu d’accueil, pour le parent aussi
- Lieu d’entraide et de création de lien social entre parents
- Accompagnement dans la parentalisation (soutien, atelier parentalité, conférences, accueil d’urgence…)
- Adaptation aux besoins des parents en tant qu’hommes et femmes (modification des contrats d’accueil plusieurs fois dans l’année, reconnaissance aux parents d’un droit au répit quelle que soit leur situation familiale ou professionnelle, droit aux congés illimités, adhésion en fonction du quotient familial)
- Le projet égalité filles-garçons
- 2 ans de travail
- 80 parents et 20 professionnel.le.s impliqués
- 30 parents et professionnel.le.s formés
- 2 conférences ouvertes (une en ligne, l’autre ouverte sur le quartier)
- Au quotidien, des pratiques réfléchies pour garantir l’égalité filles-garçons et respecter l’identité de chacun
- Les sorties et l’ouverture sur la nature
- Sorties tous les jours
- Siestes dehors même pour les bébés
- Journée en montagne ou en espace naturel sensible
- Week-end vélo chaque année (jusqu’à 40 familles)
- Un chariot 9 places, 2 poussettes 4 places, des porte-bébés…
- Collaboration avec France Nature Environnement (ex-FRAPNA), la ferme pédagogique, la Maison des Collines
- Refonte du projet éducatif en 2023
- Processus :
- 35 parents et professionnel.le.s, 6 heures de travail
- Réécriture du projet en lien avec la charte nationale d’accueil du jeune enfant et des valeurs primordiales mises en œuvre quotidiennement
- Axes développés :
- Choix de recourir à des salariés qualifiés, engagés et volontaires
- Confirmation du taux d’encadrement adapté
- Prise en compte des dernières avancées scientifiques dans l’accueil de l’enfant
- Choix du sens et de la citoyenneté, avec une gouvernance participative
- Processus :
- L’accueil d’enfants ou de personnes à besoins spécifiques, pour favoriser l’inclusion
- En moyenne 1 enfant en situation de handicap accueilli chaque année dans chacune des 2 structures
- Formation de tous les professionnel.le.s et de 50 familles au langage des signes « Signe avec Moi »
- Parents à besoins spécifiques prioritaires pour l’admission à la crèche et aménagement systématique de leur implication
- Accueil de professionnel.le.s et de stagiaires à besoins spécifiques
- La mise en œuvre de pédagogies innovantes ou alternatives
- La pédagogie Loczý, visant l’autonomie de l’enfant
- La motricité libre
- La diversification menée par l’enfant
- La stimulation multisensorielle avec l’espace Snoezelen
- La libre exploration et libre expression de l’enfant
- L’éducation positive
- La prise en compte des apports des neurosciences
- L’ouverture au monde par la culture
- La sécurisation des parcours professionnels
- Accueil de stagiaires et de personnes en contrat aidé
- Soutien à la VAE des professionnel.le.s
- Reconversion de 10 parents, en 30 ans, vers les métiers de la petite enfance
Un secteur en difficulté croissante
Aujourd’hui, à l’instar de nombreuses crèches associatives en Isère et ailleurs en France, l’association traverse un contexte de grande difficulté financière. Partout, la modification progressive des modalités de financements amène à optimiser les taux de remplissage. L’emploi de personnels non-qualifiés compense les difficultés de recrutement dans un secteur sous tension où les conditions de travail se dégradent alors que les salaires restent peu attractifs. Le rapport de l’IGAS sur « la qualité de l’accueil et la prévention de la maltraitance dans les crèches », publié en avril de cette année, fait un constat alarmant sur les évolutions d’accueil du jeune enfant en France : la qualité d’accueil se dégrade. Élisabeth Laithier, présidente du Comité de filière petite enfance, s’est exprimée sur le contenu de ce rapport : « Au-delà des difficultés qu’il a pointées, [ce rapport] nous montre que nous sommes là à un tournant de l’accueil de la petite enfance. » Les nombreuses préconisations du rapport rejoignent celles des différentes crèches associatives iséroises que nous avons rencontrées : si le secteur souhaite tenir compte de l’extrême vulnérabilité et de la dépendance du tout-petit, il faut mettre la qualité de son accueil au cœur de la mission de service public. La notion de service aux familles (en créant toujours plus de places d’accueil en France), si elle est importante, ne doit pas primer sur la qualité de cet accueil. La réglementation sur les normes d’encadrement ne doit pas s’arrêter à la sécurité de l’enfant, mais prendre en compte son bien-être et son développement.
Or les financements étatiques ne sont pas encore basés sur ces aspects qualitatifs. Le montant alloué aux établissements d’accueil du jeune enfant dépend de leur remplissage et de leur taux de facturation, ce qui amène les directions et les équipes à adopter une logique de remplissage. Cela épuise les professionnel.le.s et amoindrit la qualité des activités proposées aux enfants comme la qualité d’accueil dans son ensemble. Les exigences administratives augmentent et ont entraîné un surcroît de travail depuis un an, après plusieurs années de réaménagement et réorganisation permanente liés au contexte Covid.
Certaines structures pourraient finir par renoncer à certains de leurs engagements éthiques et moraux, en contradiction totale avec la législation. Par exemple, devant la nécessité d’accueillir toujours plus d’enfants dans un même espace avec un effectif d’encadrement constant, l’inclusion d’enfants porteurs de handicap peut être remise en cause. Ceci signerait un net recul dans l’application de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. La question se pose, très concrètement, dans nos structures aujourd’hui.
Des pratiques déjà en phase avec les recommandations de l’IGAS
Centrage sur la qualité d’accueil, formation des professionnels, connaissance du développement de l’enfant et des apports de la science, taux d’encadrement adapté, sécurisation affective des enfants et expression de leur motricité, analyse de la pratique et organisation de journées pédagogiques, présence effective et sécurisante auprès des enfants, … sont autant de points autour desquels tournent le rapport de l’IGAS et que Pom, Flore et Alexandre met en œuvre depuis toujours.
La publication du rapport a été accompagnée d’un communiqué du Ministère confirmant la volonté du ministre de « se saisir des conclusions de ce rapport pour agir rapidement à l’amélioration de la qualité d’accueil du jeune enfant. Le ministre a demandé à ses services d’instruire l’ensemble des recommandations en vue de leur mise en œuvre aussi complète et rapide que possible dans le cadre du service public de la petite enfance. »
Des mesures, qui devraient soutenir les pratiques déjà en place chez Pom, Flore et Alexandre, sont donc attendues dans les prochains temps. Mais arriveront-elles à temps pour permettre d’assurer la continuité de Pom, Flore et Alexandre et de sa qualité d’accueil ? Le contraire serait déplorable, mais c’est bien ce qui est en jeu compte-tenu de la situation financière actuelle de l’association
Face à cette situation, parents et professionnel.le.s ont décidé de tout mettre en œuvre pour poursuivre l’accueil inclusif à la rentrée prochaine, ne pas céder aux logiques de remplissage et d’optimisation, et conserver une réelle qualité d’accueil au service des enfants, de leur bien-être et de leur développement.
Des partenaires en soutien constant
Tous nos partenaires, en premier lieu la Ville de Grenoble et la CAF de l’Isère, ainsi que la Protection Maternelle et Infantile, l’ACEPP 38 et le Conseil Général, ont bien conscience de la situation précaire dans laquelle se trouvent nos deux structures et des pressions auxquelles elles se trouvent confrontées. Chez Pom Flore et Alexandre représente à elle seule 35% de l’accueil associatif du jeune enfant de la ville de Grenoble. La Ville de Grenoble et la CAF se sont engagées à nos côtés, depuis un an, pour nous accompagner à mettre en œuvre des solutions pérennes.
Au cours des derniers mois, les efforts constants de tous, bureaux successifs, parents et professionnel.le.s, ont abouti à la mise en place d’un plan de redressement en 2022 avec des économies importantes réalisées sur les ressources humaines et matérielles, à la recherche de financements alternatifs avec en particulier les aides exceptionnelles de la CAF et de la Ville de Grenoble, ainsi qu’à l’optimisation des processus de travail. Le constat que nous faisons aujourd’hui est que les efforts fournis par les salariés et les bénévoles restent insuffisants pour sauver notre crèche dans son fonctionnement actuel. Nous avons sollicité à nouveaux nos partenaires, et alertons ici sur ces difficultés, qui risquent de concerner un nombre croissant de structures dans les mois à venir.
Nous souhaitons, de tout cœur, continuer à offrir un accueil de qualité aux enfants et aux parents ou futurs parents volontaires pour s’engager dans ce projet citoyen. Notre mobilisation continue, et toute personne sensible à nos valeurs et à notre projet peut nous soutenir. Tous les contributeurs sont les bienvenus, même les dons modestes peuvent nous aider à faire la différence : notre cagnotte se trouve sur HelloAsso.